Pionnière des arts de la marionnette au Québec, Micheline Legendre (1923-2010) a créé 80 spectacles, donné plus de 16 000 représentations, conçu et fabriqué près de 1170 marionnettes, pour la scène et la télévision. Elle a formé des dizaines de marionnettistes, organisé le premier festival international de marionnettes à Montréal, en plus de s’impliquer dans des organismes tels l’UNIMA. Son engagement a tracé la voie vers une reconnaissance et une professionnalisation des arts de la marionnette.
Chronologies
Chronologie Micheline Legendre
PREMIÈRE PARTIE
1923
Des études musicales
Micheline Legendre naît le 18 février 1923 à Outremont. Son père était Jean-Charles Legendre et sa mère, Yvonne Lafontaine. Elle grandit au 332, chemin de la Côte-Sainte-Catherine, avec sa sœur cadette, Raymonde. Après des études musicales en violon à l’école Vincent D’Indy, elle parfait sa formation avec le violoniste Maurice Onderet, soliste à la Petite Symphonie de Montréal, un orchestre de musique de chambre dont elle fait partie.
Crédit image : Micheline Legendre en 1975
1944
Rencontre avec Albert Wolff et découverte de la marionnette
Photo : Les marionnettistes de Bastien et Bastienne, mise en scène d'Albert Wolff. De gauche à droite : Irène Vachon, Grace Angel, Micheline Legendre et René D.Campa. Fonds Micheline Legendre, BAnQ, Montréal.
En 1945, la Société des Festivals de Montréal organise un festival Mozart, qui comprend notamment la présentation de l’opéra de jeunesse du compositeur salzbourgeois en un acte, Bastien et Bastienne, dont les marionnettes sont créées par Albert Wolff, marionnettiste d’origine allemande et ancien prisonnier de guerre. Micheline Legendre est manipulatrice sur ce spectacle.
1948
La marionnette en héritage
De droite à gauche : Pierre Régimbald, Nicole Lapointe, André Laliberté et une autre collègue.
Ne parvenant pas à mettre en place une compagnie de marionnettes permanente, Albert Wolff décide de rejoindre sa famille au Brésil. Avant de partir, il lègue son matériel à Micheline Legendre. Celle-ci se retrouve avec des décors, des échafaudages, des marionnettes, des rampes d’éclairage, des rideaux, « beaucoup d’enthousiasme et peu d’expérience » selon sa propre formule.
Avec le comédien Gabriel Gascon, le sculpteur Jean-Charles Charuest, qui fabrique les deux marionnettes et André Jasmin, les décors, Micheline créé son premier spectacle, Le plus rusé des hommes… c’est sa femme, d’après une chanson de folklore, adaptée par Luc Perreault (nom de plume du père André Paquet). C’est Jean Papineau-Couture qui signe les arrangements musicaux. Les marionnettes sont animées par Marguerite Ducharme et Gabriel Gascon, et les interprètes – Suzanne Clerk (soprano) et Roméo Beaupré (ténor) – sont accompagnés par Jean Papineau-Couture au piano. La première a lieu le 5 mai 1948 au Collège Saint-Laurent à Montréal. Quinze représentations sont données à Montréal.
1949
Les premiers spectacles
Marianne s’en va-t-au moulin, adaptation de Claire Gervais d’une chanson de folklore, et Les voleurs volés, d’après un fabliau du Moyen Âge adapté par Guy Boulizon, sont deux courts spectacles (11 minutes pour le premier, et 28 minutes pour le second) mis en musique par Jean Papineau-Couture, et dont les marionnettes, conçues par Micheline Legendre, sont manipulées par Béatrice Picard, Gabriel Gascon, Irène Simard et Raymond Fafard. Ils sont tous deux présentés à Montréal dans des séries de 30 ou 50 représentations, et une fois à Québec. On retrouve la même équipe pour le spectacle Sous la grande tente, créée en 1950, et pour The Greatest Show on Earth : Une soirée au cirque, un défilé de 20 marionnettes présenté une seule fois fin novembre 1950, lors de la semaine de la mode organisée par la compagnie Rain Master. Les costumes portés par les marionnettes sont des versions réduites des imperméables Rain Master.
1951
Formation auprès des grands maîtres
Affiche des Comédiens de bois, de Jacques Chesnais. Fonds Micheline Legendre, BAnQ, Montréal.
Désireuse de se perfectionner, Micheline Legendre collabore avec la compagnie Sue Hasting’s Marionettes de New York, dont les manipulateurs possédaient, selon elle, une « technique absolument sans défaillance ». Puis, elle décide de partir à Paris pour se former auprès de Jacques Chesnais, fondateur des Comédiens de bois. Il deviendra son maître. Auprès de lui, elle reçoit une formation pratique et théorique. C’est avec lui qu’elle apprend le respect et l’amour du métier, des valeurs qui ne la quitteront pas. Grâce à Chesnais, elle rencontre des personnalités de la marionnette comme Gaston Baty, les Pajot-Walton, Francis Raphard et Geza Blattner. Elle effectue plusieurs séjours en Autriche, en Sicile et en Angleterre.
Parcours croisé Jacques Chesnais et Micheline Legendre (à venir)
1951
Congrès international de la marionnette à Dusseldorff, en Allemagne
Marionnette de Jacques Chesnais
Micheline Legendre y représente le Canada et la France en tant qu’élève de Jacques Chesnais. C’est au cours de ce Congrès qu’elle rencontre Felix Mirbt, originaire de Göttingen, qui lui demande de l’aide pour émigrer au Canada.
Felix Mirbt
1952
Les Marionnettes de Montréal en vedette dans Montreurs de marionnettes, par l'Office National du Film
Pendant cinq ans, Micheline Legendre mène deux carrières en parallèle : elle est marionnettiste et étudiante à l’Institut d’études médiévales Albert-le-Grand (Faculté de philosophie) où elle obtiendra une licence, puis assistante-professeur en histoire de l’art à l’université de Montréal. En 1952, l’Office National du Film du Canada produit un court film (6 minutes) sur la compagnie de Micheline Legendre : Montreurs de marionnettes, réalisé par Jacques Giraldeau.
La Sorcière, du spectacle Hansel et Gretel, marionnette de Micheline Legendre. Photo Michael Abril, AQM, 2021
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1953
Les Troubadours à L’Heure du concert
L’Heure du concert, sur Radio Canada consacre une émission à la musique du 12e siècle français, réalisée par Pierre Mercure. La société Musica Antica & Nueva, dirigée par Celia Bizony, et les Marionnettes de Montréal jouent Les Troubadours. Felix Mirbt, nouvellement arrivé à Montréal, est manipulateur sur le spectacle, avec Béatrice Picard, Raymond Fafard et Irène Simard. Françoise Faucher en est la narratrice.
1955
Premier spectacle à New York
Marionnettes et décor de La Boîte à joujoux. Fonds Micheline Legendre, BAnQ, Montréal.
Rodoudou et la Ballerine, du spectacle La Boîte à joujoux, marionnettes de Micheline Legendre. Fonds Micheline Legendre, BAnQ, Montréal.
Première américaine de La Boîte à joujoux de Debussy avec la Philharmony de New York, à Town Hall, œuvre commandée par Wilfrid Pelletier à Montréal. C’est dans ce spectacle qu’apparaît pour la première fois Rodoudou, une marionnette créée par Micheline Legendre lors de son stage chez Jacques Chesnais, et future vedette de la télévision.
1956
Une collaboration fructueuse avec Wilfrid Pelletier et l’Orchestre symphonique de Montréal
Pierre (face), du spectacle Pierre et le Loup, marionnette de Micheline Legendre. Photo Michael Abril, AQM, 2021
Tous les ans, Wilfrid Pelletier commande à Micheline Legendre un spectacle pour «Les Matinées symphoniques», en création ou en reprise. En 1956, elle met en scène Pierre et le Loup, conte symphonique de Prokofiev. Les marionnettes sont imaginées et réalisées par Micheline Legendre et Guy Beauregard, qui conçoit également les éclairages et participe à la manipulation, aux côtés de Nicole Lapointe, Pierre Régimbald et Pierrette Deslierres. Huit cents représentations de ce spectacle sont présentées, dont 600 à Montréal, 25 à Québec et 4 à Ottawa. Le spectacle est également présenté en anglais (200 représentations) et en espagnol.
1956
Rodoudou en vedette à la télévision de Radio-Canada
Manipulateurs de La Boîte à joujoux. Fonds MichelineLegendre, BanQ, Montréal
Rodoudou, de Marcelle Racine et Wilfrid Lemoine, est une série télévisée de 13 émissions de 30 minutes, réalisée par Pierre DesRoches et diffusée à Radio-Canada. Nicole Lapointe, Pierrette Deslierres, Guy Beauregard, Claude Hurtubise et Micheline Legendre manipulent les cinq marionnettes à fils, sur les voix de Pierre Thériault et Louise Marleau.
1957
La troupe de Micheline Legendre
Micheline Legendre et Jean Fournier de Belleval
En 1957, Micheline Legendre monte Hansel et Gretel, l’opéra de Humperdinck, d’après le conte des frères Grimm. Jean Fournier de Belleval signe la conception des marionnettes, des décors et des accessoires ainsi que des éclairages. L’opéra est aussi donné en version anglaise. Pour tous les spectacles réalisés à la demande de l’Orchestre symphonique de Montréal, on retrouve la même équipe de marionnettistes, dont Nicole Lapointe, Pierre Régimbald, Guy Beauregard. Le fidèle Jean Fournier de Belleval est également de toutes les aventures.
1958
Petrouchka
Petrouchka, du spectacle Petrouchka, marionnette de Micheline Legendre. Photo de Michael Abril, AQM, Montréal, 2021
Pour Petrouchka, ballet de Stravinsky, 43 marionnettes sont créées par Jean Fournier de Belleval et Micheline Legendre. Jeannine Beaubien est la narratrice. Les costumes des marionnettes sont inspirés de la production originale du ballet de Stravinski par les ballets russes de Michel Fokine.
1958
Congrès UNIMA
Plaque commémorative consacrée à l'UNIMA (Union internationale de la marionnette) sur l'édifice du Théâtre de l'Empire des marionnettes (Divadlo Říše loutek) dans la rue Žatecká à Staré Město (vieille ville) à Prague, République tchèque.
Micheline Legendre participe au Congrès International de la marionnette à Liège, en Belgique. En cultivant des liens privilégiés dans le monde, elle va ouvrir grand la porte des relations internationales au Québec.
1959
Sur les traces d’Albert Wolff et Jacques Chesnais
Bastien et Bastienne, marionnette de Micheline Legendre. Photo Michael Abril, AQM, Montréal, 2021
Après Jacques Chesnais en 1942 et Albert Wolff en 1945, Micheline Legendre met en scène Bastien et Bastienne, le célèbre opéra en un acte de Mozart. Elle le présentera à maintes reprises, notamment dans le programme Arts et culture des Jeux Olympiques de Montréal en 1967.
1959
Exposition à Lyon et à Paris
Trouvée dans les archives de Micheline Legendre, cette photo (recto et verso) de Jean-Guy Mourguet, héritier de la tradition de Guignol
Micheline Legendre est la première artiste à présenter de son vivant une exposition en solo au Musée Gadagne à Lyon (musée international de la marionnette), à la Cité universitaire et au Palais de Chaillot à Paris. Guy Beauregard signe la scénographie des expositions.
1960
Deux innocents en Chine
Micheline Legendre fait partie d’une délégation culturelle en Chine, un échange avec le Gouvernement chinois durant la visite au Canada de l’Opéra de Pékin. Parmi les participants, Jacques Hébert et Pierre Elliot Trudeau, futur premier ministre du Canada, avec qui elle a cofondé la revue d’idées québécoise Cité Libre. Elle écrit pour la revue Liberté un article où elle fait l’apologie de l’éducation des enfants en Chine. Elle publie également une savoureuse critique du livre Deux innocents en Chine rouge, écrit par Trudeau et Hébert en Chine.
1960
L’apprenti sorcier
Marionnette du Sorcier (16M.02), Catalogue Micheline Legendre, tome 3 page 38
Marionnette du spectacle Le Temple du soleil, marionnette de Micheline Legendre. Fonds AQM
De L’Apprenti Sorcier, musique de Paul Dukas, Micheline Legendre fait une pantomime de 17 minutes, jouée plus de 400 fois au Québec et au Canada. Les onze marionnettes, réalisées par Micheline Legendre, ont subi les outrages du temps. Celle de l’enfant a été recyclée pour le personnage de Zorino dans Le Temple du soleil, celle du Sorcier n’a plus de corps. Les marionnettes en balais portant des seaux ne sont pas en très bon état, la plupart ont perdu la tête.
1960
La Boîte à Surprise
Marionnettes de Micheline Legendre : les aventures de Tintin, le clown et Sol de La Boîte à Surprise, le cosmonaute du spectacle Aventure sur la lune. Photo de l'exposition Vitrine du Québec à Tolosa (1986). Fonds AQM.
Paul Buissonneau et sa marionnette Picolo, émission La Boîte à Surprise, Radio-Canada. Photo André Le Coz. Succession André Le Coz, Musée national des beaux arts du Québec.
Micheline Legendre conçoit et manipule les marionnettes des personnages de l’émission télévisée de Radio-Canada La Boîte à Surprise. Elles sont inspirées des humains qui interviennent dans l’émission : le clown Sol, les comédiens Paul Buissonneau (Piccolo), Jacques Létourneau (pirate Maboule) et Pierre Thériault (Monsieur Surprise), et la comédienne Kim Yaroshevskaya (Fanfreluche). Quant à Lise Lasalle et Gisèle Mauricet, elles interpètent respectivement l’ours Théodule et le lapin Stanislas.
1961
Nikos et le trésor
Marionnette Nikos (17M1), catalogue Micheline Legendre, tome 3 page 56.
Marionnette Neptune (17M3), catalogue Micheline Legendre. tome 3, page 60.
Sous-titré Le ballet sous-marin, Nikos et le Trésor comprenait 50 marionnettes et autant de personnages. Sur un scénario original de Micheline Legendre et une musique d’Ernest Chausson, cette fantaisie sous-marine mettait en scène des poissons, des étoiles de mer, des coquilles saint-jacques, des méduses, une sirène et un scaphandrier. Ces marionnettes étaient animées par Micheline Legendre, Nicole Lapointe, Pierre Régimbald, Guy Beauregard, Pierrette Deslierres et André Laliberté. Plus de 150 représentations ont été jouées au Québec et en Ontario. Le spectacle a été également présenté en Europe, à Varsovie.
1962
Le Rossignol et l’empereur de Chine
Marionnette Jongleur acrobate (18M14), catalogue Micheline Legendre, tome 3 page 147
Création du Rossignol et l’Empereur de Chine, adapté d’un conte de Hans Christian Andersen par Robert Choquette, sur une musique de Jean Papineau-Couture. Les 20 marionnettes sont conçues et fabriquées par Micheline Legendre et Jean Fournier de Belleval, qui signe également les décors, les costumes et les éclairages. On retrouve à la manipulation Nicole Lapointe, Pierre Régimbald et Guy Beauregard, ainsi que Jean Morrison et Marcel Sabourin. Le Rossignol et l’Empereur est présenté à Montréal, Québec, Orford et Ottawa (30 représentations) et à Varsovie pour le Congrès international de l’UNIMA.
Les marionnettes du Chambellan, du Serviteur, du Courtisan et du Majordome, avec un costume légèrement modifié, seront plus tard des ministres dans le spectacle Comment Wang Fô fut sauvé, en 1983. La marionnette du jongleur acrobate est munie d’un ingénieux système qui donne l’illusion qu’elle jongle. Un chapelet de trois petites balles blanches est enfilé sur chacun des deux fils de main. Quand le manipulateur tire le chapelet vers le haut, les balles montent jusqu’aux cintres, puis il les fait redescendre avec le deuxième chapelet dans l’autre main de la marionnette.
Le Serviteur
Le Chambellan
1962
Congrès UNIMA
De gauche à droite, en bas : Marcel Sabourin, Guy Beauregard et Pierre Regimbald. À l'arrière : Madame Jean Morisson, Micheline Legendre et Nicole Lapointe.
Les Marionnettes de Montréal représentent le Canada au VIIIe Festival international de l’UNIMA, à Varsovie, avec deux spectacles : Nikos et le trésor et Le Rossignol et l’Empereur. La compagnie remporte le Diplôme d’Honneur du festival.
1963
Tournée aux Bermudes
Micheline Legendre (au centre), Nicole Lapointe (à droite) et Pierre Regimbald à The Bermuda Musical & Dramatic Society, Hamilton, Bermudes
Tournée aux Bermudes, pour la Bermuda Music et Dramatic Society. Une deuxième tournée aura lieu en 1966.
1963
Quel cirque !
Le Cirque est une super production, une pantomime qui comprend 12 versions et composée de différents numéros. Plus de 2000 représentations en ont été données entre 1963 et 1985. La plupart des manipulateurs et manipulatrices ayant collaboré avec les Marionnettes de Montréal ont participé à ce spectacle. Les 55 marionnettes, représentant des humains ou des animaux, ont été conçues et réalisées par Micheline Legendre, Marguerite Ducharme, Jean Fournier de Belleval et Guy Beauregard.
1963
Objectif Lune
Pierre, Isabelle et le cosmonaute de Aventure sur la lune, marionnettes de Micheline Legendre. Fonds AQM, Montréal
Aventure sur la lune a été présenté 650 fois, à Montréal et en tournée au Québec et en Ontario. Parmi les 27 marionnettes créées par Micheline Legendre, les deux «cosmonautes» (sic) ont des têtes faites avec des tirelires recyclées. Les étoiles et les comètes sont des décorations de Noël modifiées.
1963
Un spectacle ornithologique
Loriot (21 M 18), Catalogue Micheline Legendre, tome 3, page 187.
Ibis (21 M11) Catalogue Micheline Legendre, tome 3, page 185.
Spectacle créé pour la campagne de financement des organismes de santé, La légende du diamant bleu est une création de l’autrice Lily Tasso, sur la musique de Camille Saint-Saëns, Le carnaval des animaux. Une cinquantaine de représentations sont données à Montréal. Onze marionnettes (parmi les 20 que compte cette production) représentent des oiseaux (ibis, aigle, urubu, tourterelle, étourneau, loriot, bergeronnette, merle…).