Marionnettiste pendant presque trente ans au Théâtre Sans Fil, Jacques Trudeau a mis son expérience d’artiste voyageur et de bâtisseur au service du milieu de la marionnette en œuvrant au Festival international des marionnettes de Saguenay et au sein de l’UNIMA internationale.
Jacques Trudeau est un autodidacte qui apprend la danse et le jeu théâtral corporel auprès de ses pairs au sein de l’Arabesque, à Longueuil, en banlieue de Montréal, avec notamment Serge Marois et Monique Rioux, et surtout Marcel Sabourin, inspiré par son séjour de formation auprès de Jacques Lecoq, en France. Après un début de parcours comme acteur-danseur avec l’Arabesque, en 1972, l’année de ses 24 ans, Jacques Trudeau rejoint une autre jeune troupe fondée l’année précédente et établie elle aussi à Longueuil, le Théâtre Sans Fil. Il y apprend l’art des marionnettes géantes sur le tas, comme les autres jeunes artistes de la compagnie, qui en sont à leur quatrième pièce.
Les Jeux sont faits, créée au TNM, dans le cadre des « Lundis du TNM », le 11 décembre 1972, est rejouée en tournée québécoise plusieurs mois en 1973. Jacques Trudeau y fait ses preuves parmi les six recrues qui s’ajoutent à la manipulation ou comme machinistes, alors que les artistes responsables de la création collective au Sans Fil deviennent plus ambitieux sur le plan technique et formel. En 1974, il est coauteur de Épopée visuelle V, dont la dimension critique ne concerne pas la politique, mais la morale traditionnelle, écorchée par ce spectacle sans parole au point de susciter la censure du système scolaire pour les représentations réservées à un public adolescent.
Le Hobbit, Théâtre Sans Fil, 1979. Photo site Internet TSF
Un marionnettiste du Théâtre Sans Fil
Jacques Trudeau contribue à la conception des marionnettes géantes inspirées de légendes autochtones (Ciel bleu prend femme en 1977 et Le corbeau blanc en 1978), des romans de Tolkien (Le Hobbit, en 1979 et Le Seigneur des anneaux, en 1985) et des géants carnavalesques de Rabelais (Rabelais, ou la vie carnavalesque de Gargantua et Pantagruel, en 1989).
Manipulateur sur scène, en noir avec gants et cagoule, Jacques Trudeau participe à la quasi-totalité des créations du TSF, jusqu’à La couronne du destin (1995), et à ses tournées à travers le monde, jusqu’en 2000, notamment celles du Hobbit, pour lequel il a joué dans plus de la moitié des 1500 représentations. Une seule marionnette nécessitant deux et parfois trois personnes pour la manipuler, pour différentes raisons techniques, le même personnage de bien des spectacles du TSF est animé tour à tour par l’ensemble de la distribution. Il y a donc un peu de l’âme de Jacques Trudeau derrière la plupart des personnages de la compagnie .
Un bâtisseur de l’internationalisation de la marionnette québécoise
En 1990, La Semaine mondiale de la marionnette de Jonquière (devenue le Festival international des arts de la marionnette à Saguenay, ou FIAMS) présente sa première édition. Fort de son expérience en tournées internationales, Jacques Trudeau y joue un rôle de représentant de la biennale pour sélectionner des compagnies invitées. Parmi les plus fructueux de ces réseautages, il faut souligner les liens entre le Québec et le Mexique, qui se concrétisent par la création, en 2003, d’un festival mexicain de marionnettes, Titerías.
En parallèle de sa tâche de représentant du FIAMS, Jacques Trudeau travaille à la relance québécoise de l’UNIMA-Canada, dans les années 1990, et fait la promotion d’un tel engagement auprès de ses pairs, à l’Association québécoise des marionnettistes (AQM). Dans la décennie suivante, il est Président de 2002 à 2004 de l’AQM, et son implication dans l’UNIMA se prolonge à l’échelle internationale, marquée par la création d’une Commission de l’Amérique du Nord parmi les structures de l’UNIMA.
Le Seigneur des anneaux, Théâtre Sans Fil, 1985.
Après quatre ans comme membre du Comité exécutif de l’UNIMA Internationale, de 2008 à 2016, il en devient le secrétaire général, un poste d’autorité jusqu’ici toujours occupé par un Européen. En parallèle, de 2008 à 2011, il est directeur artistique du TOT, un festival de marionnettes et théâtre d’objets à Barcelone (Espagne). Il termine son mandat à l’UNIMA par l’instauration au congrès de 2016 d’une Commission des Trois Amériques. Comme membre du Comité exécutif de cette association internationale, il fait partie de l’équipe de rédaction et de supervision qui a finalisé le projet de longue haleine qu’est l’Encyclopédie Mondiale des Arts de la Marionnette, publiée en 2009 et suivie d’une version en ligne.
En 2024, il est nommé membre d’honneur d’UNIMA Internationale.