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Parcours croisés France-Québec

Jacques Chesnais, un véritable maître (1951-1952)

par Michelle Chanonat

Micheline Legendre part étudier à Paris, auprès de Jacques Chesnais, marionnettiste réputé et fondateur de la compagnie Les comédiens de bois. Jacques Chesnais fut pour elle un « véritable maître »[1]. Elle apprend avec lui la fabrication des marionnettes, la sculpture, la peinture, le modelage et la pose des fils, ce qu’on appelle l’ensecrètement[2], la construction et la peinture des décors. Madeleine Chesnais initie Micheline à la couture et aux costumes d’époque.

Chez les Chesnais, Micheline Legendre reçoit une formation pratique, en mise en scène et progression dramatique, et théorique, en recherche historique, notamment sur les styles et les époques du théâtre, sur l’histoire de la marionnette dans le monde. Grâce à Jacques Chesnais, Micheline Legendre rencontre Gaston Baty, les Pajot-Walton[3], Francis Raphard, montreur de marionnettes comme son père Petrus, qui donnait des représentations au Jardin des Tuileries, ou encore Geza Blattner, un des premiers marionnettistes à rompre avec le style traditionnel.

Dans son livre, Marionnettes, art et tradition, Micheline Legendre écrit : « Jacques Chesnais m’a donné le respect de mon métier, la rigueur qu’il faut dans les moindres détails et même ceux qui ne paraissent pas, le souci d’un répertoire de qualité et la conviction que l’art des marionnettes tient une bonne place aux côtés des autres arts dans toutes les civilisations. Par ses enseignements et la qualité de son travail, il m’a prouvé que l’art des marionnettes constitue une synthèse des arts et qu’il faut une certaine polyvalence pour le pratiquer avec succès[4]

Pendant son séjour parisien, elle conçoit et réalise la marionnette Rodoudou, qu’on retrouvera dans le spectacle La Boîte à joujoux avec l’orchestre symphonique de Montréal et, en 1955, avec la Philharmony de New York, à Town Hall. Rodoudou deviendra ensuite la vedette d’une série de 13 épisodes à la télévision de Radio-Canada, en 1956.

En 1951, Micheline Legendre est invitée au Congrès international de la marionnette, à Düsseldorf. Elle y représente le Canada et, en tant que stagiaire chez Chesnais, la France (les artistes français avaient refusé d’aller en Allemagne). C’est lors de ce congrès qu’elle rencontre Felix Mirbt pour la première fois.

Rodoudou, marionnette créée par Micheline Legendre lors de son stage chez Jacques Chesnais © AQM / Marionnettes de Montréal. Photographie : Michael Abril, 2021.


[1] Micheline Legendre, Marionnettes, art et tradition, Éditions Leméac, Montréal, 1986, p.119
[2] Absent des meilleurs dictionnaires, le terme d’ensecrètement désigne, au sens général, la règle du secret à laquelle se soumettent (ou se soumettaient, car elle tombe en désuétude) les prestidigitateurs, magiciens et illusionnistes qui, en principe, prêtent serment de ne pas révéler leurs procédés hors de la profession. C’est là une tradition ancienne : au XVe siècle, la machinerie compliquée des mystères était réglée par des « maîtres des secrets » qui prêtaient déjà ce serment Les « secrets » étaient alors, techniquement, l’ensemble des systèmes de cordes et de ressorts qui faisaient fonctionner les machines et les statues animées. Chez les marionnettistes, le terme d’ensecrètement désigne l’opération par laquelle l’artiste établit les fils de sa marionnette, en règle la longueur et la tension, et en dispose le contrôle : une opération décisive qui transforme l’objet inerte en objet animable, et en quelque sorte lui donne « vie » (Encyclopédie mondiale de la marionnette)
[3] film : https://images.cnrs.fr/video/562
[4] Ibid, page 120