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Parcours croisés France-Québec

Fondation de la compagnie Les Comédiens de bois de Jacques Chesnais

par Evelyne Lecucq

En 1940, une fois démobilisé par la signature de l’armistice franco-allemand, Jacques Chesnais ne retrouve plus l’essentiel de ce qu’il avait construit de 1934 à 1939 pour les spectacles – souvent des numéros de quelques minutes – de sa compagnie, le Théâtre de La Branche de Houx. Les marionnettes de différentes techniques – marotte, gaine, fils, ou objet détourné – étaient entreposées, à Paris, au Centre Kellermann, or celui-ci a été pillé : il faut repartir de zéro. Lui qui a déjà exercé les métiers de graveur ou d’entrepreneur de plomberie (héritage familial) hésite un temps à poursuivre professionnellement sa passion, mais il prend la décision de se consacrer à la marionnette à fils avec une nouvelle structure : Les Comédiens de bois de Jacques Chesnais. Tout comme auparavant, Madeleine, sa femme, est partie prenante. Elle confectionne les costumes et anime les personnages à ses côtés.

Jacques Chesnais manipulant (1940) Photo Jacques Gadreau, IIM, fonds Chesnais

Jacques Chesnais manipulant (1940). Photo Jacques Gadreau, IIM, fonds Chesnais

Pourquoi Jacques Chesnais choisit-il alors l’unique et exigeante technique du fils alors que ses expériences, jusque-là variées, avaient été admirées par ses pairs et par le public ? Principalement pour deux raisons, l’une économique et l’autre artistique.

La première est l’adaptabilité du dispositif à tous les espaces, donc à toutes les programmations. Les marionnettistes à fils, avec leur pont et leur scène, recréent un espace théâtral autonome. Ils peuvent s’installer partout, y compris dans les salles à l’italienne équipées d’un balcon qui exclut les castelets des gaines ou des marottes. Avec ces techniques en effet, le regard des spectateurs plongerait de façon gênante dans les coulisses de la représentation.

La seconde raison vient de la formation de Jacques Chesnais : il n’est pas acteur. Il préfère travailler « derrière la toile », caché et muet, pour offrir aux spectateurs les compétences qui sont les siennes : la conception des marionnettes, leur mise en scène valorisant le mouvement et le choix de musiques à fonction dramaturgique.

Jacques et Madeleine Chesnais s’attellent à nouveau très rapidement à la conception de numéros courts (entre trois et six minutes) leur permettant de constituer des spectacles dont la durée est modulable en fonction de la demande. Ils composeront peu à peu un programme allant de vingt minutes à deux heures. Parallèlement, dès 1941, la compagnie des Comédiens de bois de Jacques Chesnais entame la création d’une œuvre de quarante minutes, présentable seule si nécessaire : Bastien et Bastienne de Mozart.

(Source : interview de Marion Chesnais, fille de Jacques et Madeleine, collaboratrice des Comédiens de bois de Jacques Chesnais, effectuée lors de l’exposition « Jacques Chesnais, un grand marionnettiste du XXe siècle » pendant le 15e Festival Mondial des Théâtres de Marionnettes, en 2009.)