Albert Wolff est né en Allemagne, peut-être à Munich. Ses dates de naissance et de mort sont inconnues. Réfugié à Londres pendant la Deuxième Guerre mondiale, il est fait prisonnier par l’Angleterre. Comme 34 000 prisonniers de guerre japonais, italiens ou allemands, il est transféré au Canada et incarcéré en 1941 dans la garnison de Farnham. Fils d’un marionnettiste bavarois, il mobilise un groupe de prisonniers pour monter Docteur Faust, d’après Marlowe et Goethe, en théâtre de marionnettes.
On suppose ensuite qu’Albert Wolff aurait été libéré avant la fin de la guerre, ou qu’il aurait bénéficié d’une permission spéciale puisqu’on le retrouve en mars 1945 en train de préparer un spectacle de marionnettes pour la Société des Festivals de Montréal.
Portrait d'Albert Wolff
Pour son dixième anniversaire, la Société des Festivals de Montréal, fondée par madame Athanase David (1), a décidé de consacrer sa saison à Mozart. Albert Wolff est invité à représenter l’opéra de Mozart en un acte Bastien et Bastienne, dans la plus pure tradition salzbourgeoise. Composé par Mozart à l’âge de 12 ans, Bastien et Bastienne est une adaptation par une célèbre actrice du 18e siècle, Madame Favart, du Devin du village, de Jean-Jacques Rousseau. La musique est interprétée par la Petite Symphonie de Montréal, dirigée par Bernard Naylor, où Micheline Legendre est violoniste. Sylvia Kesley et Kenneth Neate interprétaient Bastien et Bastienne, et Gérard Desmarais, habitué de la scène du Metropolitan Opera de Chicago, jouait Colas.
À la suite du succès de Bastien et Bastienne, Albert Wolff a plusieurs projets d’œuvres musicales dans l’esprit du Théâtre de Paul Brann, célèbre et influent marionnettiste de Munich : La Servante Maîtresse de Pergolèse, L’heure espagnole de Ravel et Don Pasquale de Donizetti. Micheline Legendre lui fait rencontrer des artistes comme Émile Legault, fondateur des Compagnons de Saint-Laurent, les peintres Alfred Pellan et Jean-Paul Mousseau. Mais le soutien financier ne suit pas… Ne parvenant pas à mettre en place un théâtre de marionnettes permanent, il s’exile au Brésil où il rejoint sa famille. Avant son départ, il lègue ses marionnettes à Micheline Legendre.
Selon Michel Fréchette (2), « la venue d’Albert Wolff au Québec doit être considérée comme une date importante, comme le véritable départ de l’histoire contemporaine des marionnettes québécoises.»
(1) Son véritable nom est Antonia Nantel-David mais la coutume voulait à l’époque que les femmes portent le nom de leur époux. Antonia Nantel David, avec son mari Louis-Athanase David, ont fondé en 1934 la Société des concerts symphoniques de Montréal, qui deviendra l’Orchestre symphonique de Montréal.
(2) Michel Fréchette, revue jeu n°51, juin 1989 https://www.erudit.org/en/journals/jeu/1900-v1-n1-jeu1069035/16359ac.pdf