Actualités

En hommage à Jean Cummings

Photo: Richard Lacroix

Jean Cummings (1959-2023)

À 14 ans, quand ses copains jouaient au hockey, Jean Cummings fabriquait des marionnettes, fasciné qu’il était par celles à fils qu’il regardait à la télévision. Encouragé par son père d’un laconique « il n’y a pas de sot métier », il quitte sa Gaspésie natale à 25 ans et débarque à Montréal, où il rencontre le Théâtre de l’Œil. Quand j’aime une fois j’aime pour toujours pourrait être sa devise : il a participé à toutes les créations de la compagnie, pendant 38 ans. Pour Jean Cummings, « être marionnettiste, c’est savoir tout faire, de la construction aux réparations, du montage du décor à l’animation », disait-il.

Il a fait partie de l’équipe de têtes chercheuses (avec André Laliberté, le peintre Richard Morin et le scénographe Richard Lacroix) qui a mis au monde Le Porteur, en 1997, un spectacle magnifique et universel qui a tourné dans le monde entier pendant une vingtaine d’années, donnant plus de 800 représentations. Et Jean n’en a manqué aucune ! Parce qu’être marionnettiste, c’est aussi faire et défaire sa valise.

Habile artiste et adroit bricoleur, il a conçu et fabriqué des centaines de marionnettes (peut-être des milliers ?) pour diverses compagnies (Théâtre Motus, Théâtre Magasin, Théâtre Qui va là ? et bien sûr, le Théâtre de l’Œil). Il a participé à des courts-métrages mettant en scène des marionnettes à gaine ou à fil, il a donné des stages de manipulation au Conservatoire d’art dramatique de Montréal et pour l’Association québécoise des marionnettistes. L’atelier était son domaine, où il a initié bon nombre de marionnettistes aux secrets de la fabrication. Il n’avait pas son pareil pour « patenter un petit quelque chose pour que ça aille ».

Les marionnettes, il les réparait quand elles se cassaient une jambe ou un bras, il les consolait quand leurs fils s’emmêlaient, il les soignait quand une articulation se déboitait. Il les sublimait en scène, leur donnant vie, corps et voix. Sa manipulation était douce et fine, technique et précise.

Les marionnettes, il les aimait, tout simplement.

C’est une flopée de marionnettes qui ont perdu un créateur, un papa, un infirmier, un animateur, un amoureux. Une foule d’artisans et d’artisanes, de marionnettistes, de metteurs et metteuses en scène, de concepteurs et conceptrices de tout acabit qui ont perdu un collègue, un complice et un ami, qui savait rendre possible leurs rêves, bricoler des univers inventés et mettre dans le monde un peu de poésie au quotidien.

Jean, c’était une belle personne. Parmi les plus belles que j’ai eu la chance de rencontrer. Oh, je sais, on dit toujours ça dans de pareilles circonstances. Mais de lui, c’est tellement vrai. Travailleur de l’ombre, il craignait la lumière. Il était humble, dans le plus beau sens du terme, humble devant son métier, humble de son immense savoir, aussi, il ne savait que faire des compliments. Quand j’avais écrit, pour une infolettre du Théâtre de l’Œil, un court portrait de lui intitulé « Jean aux mains d’argent », il avait d’abord rigolé, puis il avait été ému aux larmes, en disant que j’exagérais…

Alors on se console en se disant qu’on a eu la chance de le connaître, et que de le fréquenter nous a grandi. Mais il reste le chagrin, et maintenant l’absence.

On dit aussi que personne n’est irremplaçable. Pourtant, lui, il l’est. Difficile d’imaginer l’atelier du Théâtre de l’Œil sans sa présence chaleureuse, sa rigueur, son ingéniosité, sa générosité, son humour, ses blagues. Sans son rire, qui nous manque déjà.

Jean était un enchanteur de la réalité. Sans lui, la vie va être plus terne, plus plate et plus grise. Bon courage.

Michelle Chanonat

Jean Cummings, stagiaire à la formation Fabrication et jeu, enseignée par Marthe Adam.
Cegep de Rosemont, 1981.

X
X